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Ph.D "Estimation and Analysis of cardiac intervals".

Ph.D Defense - December 4th 2008

Manuscript here Title: "Estimation et analyse des intervalles cardiaques" - Estimation and analysis of the cardiac intervals
Jury:
Hervé Rix (president)
Guy Carrault, Pablo Laguna, (rewievers)
Stéphane Bermon, Lionel Giogis, (examinators)
Olivier Meste (Ph.D advisor).


Abstract:
In this work, we study the estimation and the analysis of the cardiac intervals. The main objective of this thesis is therefore to develop new signal processing tools for estimating in ECG, the P-R intervals which are poorly studied in the literature because of the difficulty in extracting the P waves, and the Q-T intervals. Inspired by the method of Charles D. Woody (1967) based on iterative correlation and averaging techniques, we propose firstly an improvement of this method in terms of optimality. The observation model of this method is then enriched by a potentially parasite wave added to noise, and a generalization of the Woody's method is proposed. Taking the example of the T wave of the ECG which overlaps the following P wave when the heart rate is high, various models of the T wave are proposed. With these two proposed methods, the objectives to estimate and analyze cardiac intervals, such as the R-R, Q-T and P-R intervals, are reached. More precisely, the estimation of the P-R intervals on ECG recorded during exercise is feasible applying the generalization of the Woody's method. The application of these methods to real recordings of different types of ECG (rest, exercise, atrial fibrillation,…), has revealed new findings about the evolution of cardiac intervals, as an hysteresis phenomenon in the relation P-R/R-R intervals, or a characterization of subjects according to their training level studying the P-R interval slope in the early recovery phase, for instance. A modeling of the response of the Q-T interval to R-R intervals changes has also been proposed based on the electrical behavior at the cellular level.

Keywords: Electrocardiogram (ECG), time delay estimation, maximum likelihood, P-R intervals, Q-T intervals, exercise, recovery, P-R/R-R hysteresis, Q-T/R-R modeling.


Résumé:
Dans ces travaux, nous nous intéressons à l'estimation et l'étude des intervalles cardiaques. L'objectif principal de cette thèse est donc de développer de nouveaux outils d'estimation de ces intervalles. Plus précisément, nous souhaitons concevoir de nouvelles techniques de traitement du signal pour extraire des ECG les intervalles P-R, qui sont très peu étudiés dans la littérature de part la difficulté d'extraire les ondes P, et dans un second temps les intervalles Q-T. Inspirés de la méthode itérative de Woody (1967) basée sur une technique de corrélation de chaque observation avec une moyenne des signaux réalignés, nous proposons tout d'abord un perfectionnement de cette méthode. En effet, à partir du même modèle d'observations, nous développons le critère de maximum de vraisemblance et nous obtenons une amélioration de la méthode de Woody au sens de l'optimalité. Le modèle d'observations de cette méthode est ensuite enrichi par une onde potentiellement parasite additionnée au bruit, et une généralisation de la méthode de Woody est proposée. En prenant l'exemple de l'onde T de l'ECG qui se superpose à l'onde P du battement suivant lorsque la fréquence cardiaque est élevée, différents modèles de l'onde T sont proposés. Grâce à ces deux méthodes proposées, les objectifs d'estimer et d'analyser les intervalles cardiaques, tels que les intervalles R-R, Q-T et P-R, sont atteints. Plus précisément, grâce à la généralisation de Woody, l'estimation des intervalles P-R à l'exercice est réalisable. L'application de ces méthodes aux enregistrements réels de différents types d'ECG (repos, exercice, fibrillation auriculaire,…), nous a révélé de nouveaux résultats concernant l'évolution des intervalles cardiaques, comme par exemple : l'existence d'un phénomène d'hystérésis en sens horaire dans la relation P-R/R-R, et une caractérisation possible des sujets en fonction de leur niveau d'entraînement à l'aide de la pente des intervalles P-R au début de la phase de récupération. Une modélisation de la réponse du Q-T à un changement de la période cardiaque a également été proposée s'inspirant du comportement électrique cellulaire.

Mots-clefs : Électrocardiogramme (ECG), estimation de temps de retard, maximum de vraisemblance, intervalles P-R, intervalles Q-T, exercice, récupération, hystérésis P-R/R-R, modélisation Q-T/R-R.

Introduction

L'électrocardiogramme (ECG) est l'examen non-invasif le plus courant, et il possède une grande valeur clinique pour le diagnostic des troubles de la conduction électrique cardiaque en étudiant le rythme cardiaque et la morphologie des différentes ondes constituant le cycle cardiaque. Un cycle cardiaque enregistré par l'ECG est composé de 5 ondes caractéristiques d'événements cardiaques (voir figure ci dessous): l'onde P reflète la dépolarisation des oreillettes induisant leurs contractions simultanées, le complexe formé par les ondes Q, R et S est caractéristique de la dépolarisation des ventricules, et l'onde T exprime le phénomène de repolarisation des ventricules. La repolarisation des cellules correspond à une phase de relâchement qui permet le remplissage sanguin des cavités ventriculaires. Les intervalles de temps entre ces différentes ondes de l'ECG fournissent d'importants indicateurs pour le diagnostic des maladies cardiaques car ils reflètent des processus physiologiques du coeur et du système nerveux autonome. Parmi les principaux étudiés, l'intervalle R-R indique la période cardiaque, c'est à dire le temps entre deux battements successifs. En l'inversant, on obtient alors la fréquence cardiaque communément exprimée en battements par minute. L'intervalle Q-T est le reflet de toute l'activité ventriculaire, c'est à dire des phases de dépolarisation et de repolarisation. L'intervalle P-R représente le temps que met le signal électrique pour traverser les oreillettes et atteindre les ventricules : c'est le temps de conduction auriculo-ventriculaire.


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L'analyse de ces différents intervalles passe souvent par l'étude de leurs variabilités. La variabilité des intervalles R-R donne des indications de l'influence nerveuse sur le coeur par exemple. Le prolongement des intervalles Q-T peut être l'indicateur d'un risque d'arythmie ventriculaire. L'interprétation des signaux électrocardiographiques reste du domaine du praticien mais grâce aux techniques du traitement du signal et aux mathématiques, il est possible d'aborder l'analyse voire la modélisation des signaux électrocardiographiques en tenant compte de la physiologie du myocarde. En effet, le développement de modèles mathématiques permet de décrire les processus électrophysiologiques du cœur, afin de comprendre leur genèse et leur propagation. Ceci permet de mieux expliquer l'origine de certains troubles du rythme, mais les études de ce domaine restent un grand défi du fait de la grande complexité des phénomènes concernés et de leurs interactions.

Dans le domaine du traitement de signaux ECG, un des axes importants de recherche est l'estimation des intervalles cardiaques. Ce problème d'estimation peut être abordé de manières différentes : soit on détecte les points caractéristiques des ondes de l'ECG (leurs sommets, débuts, et fins) par des méthodes de segmentation puis on calcule la différence de temps entre ces points pour obtenir l'intervalle, soit on aborde ceci comme un problème d'estimation de temps de retard. En effet, la variation d'un intervalle, par exemple l'intervalle P-R, entre deux battements consécutifs peut être considérée comme un retard subi par la seconde onde P comparée à la première, vis à vis de leurs ondes R respectives.
Les méthodes usuelles de segmentation ont été appliquées avec succès dans leur contexte respectif. Cependant, il s'avère difficile de concevoir une méthode universelle qui puisse être appliquée de manière efficace dans tous les cas, c'est à dire quel que soit le patient, quel que soit le type d'enregistrement de l'ECG, et quel que soit le bruit d'observation. Ainsi par exemple, malgré des avancées en terme d'extraction des intervalles Q-T, les méthodes robustes d'estimation des intervalles P-R, notamment sur les ECG enregistrés à l'exercice, sont inexistantes. Dans le but de développer une méthode pour l'estimation des intervalles P-R à l'exercice, nous nous sommes penchés sur le dernier type de méthode présenté : les méthodes d'estimation de temps de retard basées sur le maximum de vraisemblance.
L'objectif principal de la thèse est de développer des outils robustes d'estimation des intervalles. Plus précisément, nous souhaitons concevoir de nouvelles techniques de traitement du signal pour extraire des ECG les intervalles P-R qui sont très peu étudiés dans la littérature de part la difficulté d'extraire les ondes P, et dans un second temps les intervalles Q-T.

Les méthodes d'estimation de temps de retard proposées

Pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, nous nous sommes inspirés de l'une des plus connues des méthodes d'estimation de temps de retard d'un signal inconnu : la méthode de Woody (1967). Cette méthode classique repose sur un algorithme itératif basé sur la corrélation, permettant non seulement l'estimation des retards, mais également du signal d'intérêt.
La première contribution de cette thèse a donc été de proposer un perfectionnement conduisant à la "méthode de Woody améliorée". Cette formalisation a permis des améliorations en terme d'optimalité. Des simulations sur des signaux synthétiques ont été menées pour corroborer l'approche théorique concernant les améliorations apportées à la méthode originelle de Woody. Ainsi, à travers ces résultats de simulation, nous avons pu conclure que la version améliorée de Woody surpassait la méthode originale :
  • en qualité de variance de l'estimateur, en particulier pour un faible nombre de réalisations du signal observé et pour un rapport signal/bruit faible,
  • en qualité de vitesse de convergence.
Néanmoins, ces méthodes de Woody ou de "Woody améliorée" sont basées sur un modèle des observations très simple et pas toujours adapté à nos observations. En effet, certains phénomènes apparaissent dans les signaux ECG, telle que la superposition des ondes. En particulier, le traitement et l'analyse automatique des signaux ECG pendant les épreuves d'effort sont délicats car ces signaux sont fortement bruités. Par bruit, on entend le bruit musculaire et de contact traditionnel, auquel vient s'ajouter le phénomène de superposition des ondes T et P. Le problème d'estimation des intervalles P-R à l'effort ne peut donc pas se résoudre simplement en utilisant les techniques telle que celle de Woody, et nécessite donc des modèles plus complexes.
La seconde contribution de cette thèse a donc été de développer une méthode globale d'estimation de temps de retard qui prend en compte dans le modèle des observations une onde parasite qui vient se superposer à l'onde d'intérêt. Cette méthode basée sur un estimateur de maximum de vraisemblance, et nommée "méthode de Woody généralisée", consiste à prendre en compte comme onde parasite l'onde T qui se chevauche à l'onde P aux fréquences cardiaques élevées.
Dans le cas de l'estimation des intervalles P-R à l'effort, différentes approches ont été proposées pour modéliser l'influence de l'onde T qui s'ajoute à l'onde P durant l'exercice : une droite, un polynôme d'ordre 3, une fonction affine par morceaux. La validation de ces modèles a été proposée sur des signaux synthétiques, et a mis en valeur l'approche introduisant une fonction affine par morceaux, qui présente un biais minimal pour l'estimation des retards dans le cadre de la méthode de Woody généralisée.

Applications aux signaux ECG réels - Résultats

L'application de la méthode de Woody généralisée dans des cas réels nous a permis d'estimer les intervalles P-R à l'exercice. L'analyse de ces intervalles à l'effort et en récupération a permis de découvrir de nouveaux phénomènes, comme par exemple :
  • un phénomène d'hystérésis de la relation "intervalles P-R fonction des intervalles R-R" à l'exercice et en récupération qui n'avait jamais été mis en valeur auparavant;
  • un brusque changement de pente au début de la phase de récupération quasi-synchrone sur les intervalles P-R et R-R ;
  • une caractérisation des sujets en fonction de leur niveau d'entraînement à l'aide de la pente de leurs intervalles P-R au début de la phase de récupération.
Quelques hypothèses électrophysiologiques ont été proposées permettant d'expliquer ces phénomènes. Ces résultats représentent de nouvelles pistes qui doivent être considérées dans le futur pour une meilleure modélisation du cœur. En particulier, le phénomène d'hystérésis mérite d'être exploré davantage. En effet, à long terme, il pourrait permettre l'amélioration des pacemakers à double chambre en adaptant les délais de stimulation entre l'oreillette et les ventricules par exemple.
Notre outil d'estimation d'intervalles ayant fait ses preuves dans le cadre des ondes P et R, nous nous sommes intéressés à un intervalle très étudié : l'intervalle Q-T. Cet intervalle revêt un intérêt relatif à l'intervalle P-R car il exhibe également un phénomène d'hystérésis vis à vis de l'intervalle R-R. L'application de notre méthode de "Woody améliorée" pour l'estimation des intervalles Q-T, nous a permis d'analyser ces intervalles cardiaques sur différents types d'enregistrements ECG (respiration contrôlée, effort, fibrillation auriculaire,...). L'analyse des intervalles Q-T en réponse à un changement de fréquence cardiaque a fait ressortir deux types d'adaptation : une adaptation "rapide" en réponse au précédent intervalle R-R, et une adaptation "lente" de l'ordre de quelques cycles cardiaques. Nous avons proposé une modélisation de cette réponse du Q-T proche de la description cellulaire. Dans cette modélisation, l'adaptation dite "rapide" est inspirée du fonctionnement électrique cellulaire, et plus précisément de la courbe de restitution cellulaire. Le modèle de l'adaptation "lente" s'inspire de travaux expérimentaux menés également au niveau de la cellule.
Les parcours de l'hystérésis de Q-T et du P-R étant contraires, l'analyse de ces deux intervalles complémentaires permettra une description complète du cycle cardiaque.

Contributions de ces travaux

Finalement, les contributions apportées dans le domaine du traitement du signal sont les suivantes :
  • la méthode de Woody améliorée, pour l'estimation de temps de retard sur un signal inconnu ;
  • la méthode de Woody généralisée, pour l'estimation de temps de retard sur un signal inconnu auquel vient se superposer une onde parasite ;
  • différents modèles de l'onde parasite qui vient se chevaucher à l'onde d'intérêt ;
  • une modélisation de la réponse de l'intervalle Q-T à un changement de la période cardiaque, inspirée du fonctionnement électrique cellulaire.
Cette généralisation de la méthode de Woody associée aux différents modèles de l'onde T, nous permet d'estimer les intervalles P-R à l'exercice. Il est à souligner que cette application constitue une avancée considérable puisqu'il n'existe aucune étude antérieure s'y rapportant.
L'application de ces méthodes d'estimation de temps de retard aux enregistrements réels de différents types d'ECG (repos, exercice, fibrillation auriculaire,...), nous a révélé de nouveaux résultats à propos de l'évolution des différents intervalles cardiaques et nous a conduit par conséquent vers de nouvelles pistes électrophysiologiques en terme de compréhension du fonctionnement du cœur, par exemple :
  • il existe un phénomène d'hystérésis dans la relation "intervalles P-R fonction des intervalles R-R" à l'exercice ;
  • il est possible de caractériser les sujets en fonction de leur niveau d'entraînement, en étudiant la pente de l'évolution des intervalles P-R au début de la phase de récupération.